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toire. Il était flamine perpétuel des Empereurs : on attendait de sa docilité et peut-être de sa gratitude, en échange de la protection officielle récemment accordée, qu’il remplît désormais les devoirs de sa charge et qu’il sacrifiât publiquement. Un piège était préparé contre lui. Cécilius résolut de s’y dérober, du moins tant que Birzil ne lui serait pas rendue. Il tâcherait de se sauver momentanément, afin de sauver la jeune fille. C’est pourquoi, dès qu’il fut rentré à Muguas, il envoya sa démission de flamine aux magistrats municipaux.

Il donnait pour prétexte le mauvais état de sa santé, qui, déjà très affaiblie auparavant, venait de recevoir un coup fatal par la perte de sa fille adoptive. L’avocat Marcus Martialis était chargé par lui de faire valoir ses raisons devant la Curie. Elles furent acceptées sans commentaires ni protestations d’aucune sorte, comme si l’assemblée obéissait à un mot d’ordre. Martialis le père fit même savoir à Cécilius qu’il était satisfait de sa détermination. Celui-ci devina tout de suite les motifs secrets de cet acquiescement : ses collègues voulaient ignorer qu’il était chrétien. Autrement, ç’aurait été compromettre le bon renom des magistrats de la république cirtéenne. Ceux qui étaient revêtus de la dignité sénatoriale, comme Roccius Félix, son seul ennemi, eussent jugé infamant pour leur caste d’y compter un membre suspect de sacrilège envers les dieux et de déloyauté à l’égard de Rome et des Augustes. Le Sénat n’était que trop décimé par les Empereurs : il ne fallait pas leur fournir de nouveaux arguments pour le frapper et pour achever de détruire son prestige aux yeux du peuple. En réalité, les collègues et les pairs de Cécilius, y compris ses ennemis, respectaient en lui le patricien, l’homme de leur classe et de leur municipe.

Le flamine démissionnaire s’avisa aussitôt de mettre à profit ces dispositions conciliantes. Comme il lui semblait impossible d’échapper indéfiniment à la délation, il n’attendrait pas que ses biens fussent confisqués. Il les