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à cette discipline brutale ! A moi, elle me répugne… D’ailleurs, on ne m’a pas consulté pour me faire prendre ce beau métier. Dès la mamelle, j’étais voué au service, sous prétexte que mon père est centurion et que l’État lui a donné un petit bien. Dès dix-huit ans, j’ai dû passer sous la toise. On m’a marqué au fer rouge, on m’a suspendu au cou une bulle de plomb à l’effigie des Empereurs, comme on attache une clochette au cou d’un bélier ou d’un taureau. Et voilà ! J’étais soldat pour la vie ! Il n’y a pas à discuter les ordres de Rome : il faut servir ou mourir !

– Mourir n’est rien ! fit Cécilius à mi-voix, comme se parlant à lui-même.

– Oh ! je veux bien mourir ! reprit fièrement le jeune soldat, mais au moins que ce soit pour une noble cause et non pour assurer l’Empire à un gardeur de porcs comme Maximin, ou à des bourreaux, des Busiris comme Gallien et Valérien, qui torturent nos frères, qui les supplicient, qui les déciment… »

Après un moment de silence, il ajouta impétueusement : « As-tu vu, à Lambèse, les chrétiens de Cirta qui sont dans la prison ?

– Non ! dit Cécilius : je ne l’ai pas pu ! »

Et il se sentit rougir à ce rappel.

« Moi, je les ai vus, avec un diacre de Mascula ; ils sont admirables. Tous veulent la couronne. Quelques-uns prophétisent ; d’autres, comme en extase, se voient déjà dans les prairies de l’Agneau. Ah ! s’il faut se faire tuer, j’aime mieux mourir, comme eux, — pour le Christ !… D’ailleurs, quand bien même je ne le voudrais pas, j’y serai peut-être contraint. Mes colères me trahiront… Vois-tu, je suis indigné contre les chefs ! On nous prend tout entiers. On exige de nous non seulement notre sang, mais nos âmes. Il faut assister aux sacrifices, brûler de l’encens pour le natalice de César, adorer le cheval ou le sanglier des enseignes !… »

Puis, tout à coup, dans une sorte de soulèvement de