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Chemin faisant, tout en longeant les arcades de l’amphithéâtre, il s’étonnait de son calme. Il ne craignait pas pour sa vie, il n’y songeait même pas : il ne pensait qu’à Birzil et aux moyens à mettre en œuvre pour la délivrer. Tout dépendait du légat, et, bien qu’il le sentît plutôt disposé à l’indulgence en sa faveur, — cela d’ailleurs uniquement par politique, — il redoutait sa haine contre les chrétiens. Caius Macrinius Decianus, légat d’Auguste, propréteur pour la province de Numidie, avait la réputation d’un homme brutal et borné. Appartenant à une vieille famille sénatoriale, il était une créature de Valérien, ancien président du Sénat. Il sortait donc du milieu le plus rétrograde et le plus fanatique de Rome. La « coutume des ancêtres » était pour lui la règle suprême et le suprême argument. Et nul ne se montrait aussi fier de son titre, aussi jaloux des prérogatives de son ordre. Ses récents succès militaires avaient encore enflé sa vanité. Comme Cécilius entrait dans le camp, près de l’arc triomphal de Commode, il vit un ouvrier occupé à graver une inscription sur un piédestal, en remerciement de la victoire remportée par Macrinius sur les Maures et autres Barbares : la place était prête pour sa statue.

Ce haut personnage reçut Cécilius dans le secretarium attenant au tribunal du prétoire. C’était un bel homme, de taille et de physionomie sculpturales. Botté et casqué, le glaive sur la cuisse et le manteau de commandement rejeté sur l’épaule, il se tenait assis, au bord d’une estrade que, de chaque côté, environnaient des licteurs. A sa droite, au milieu d’une table massive, une petite Victoire d’airain, les ailes déployées et tenant une couronne d’or au bout d’un bras tendu, posait son pied sur une boule d’onyx. Toute cette mise en scène était évidemment calculée pour étonner Cécilius et le frapper de crainte devant la majesté du peuple romain. Le légat voulait être très imposant et très distant. Les salutations d’usage échangées, il fit asseoir Cécilius assez loin de son propre siège, comme pour lui témoigner tout à la fois que, s’il