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jugement ; enfin, qu’il n’est âge si sombre, terre si désolée, qui n’ait eu son rayon de joie, son petit jardin secret, plein d’ombrages et d’eaux vives.

Telle est la règle de l’humanité. Malgré l’effort obstiné des soldats du Bien, le Mal persiste invaincu. De là vient, avec la loi du sacrifice, la nécessité périodique du martyre, c’est-à-dire du témoignage en faveur de la justice et de la vérité. Le martyre n’est point de l’archéologie. Les martyrs ne sont point des ossements poudreux enfouis dans les niches des catacombes, ou dans les auges de pierre des nécropoles. Leur sang est une vivante semence qui doit fructifier jusqu’au dernier jour. Leur geste se renouvelle indéfiniment. Au temps de l’évêque Cyprien, après une longue paix de l’Église, on pouvait croire que l’ère des martyrs était close. Et voilà que Cyprien, lui aussi, comme autrefois Félicité et Perpétue et tous les confesseurs africains, dut quitter sa villa de Carthage et les doctes entretiens sous la treille, à l’époque des vendanges, pour s’en aller vers une vendange imprévue et terrible et jeter sa chair au pressoir de l’éternel Vendangeur…

10 juillet 1917.