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LA RETRAITE

à la gloire de ce pays ni à notre volonté de le servir.

Il répéta, dans une extase sourde :

— Servir !

Et dans ce mot, il y avait bien en effet vingt ans de servitude, la discipline brisant sa volonté, l’obéissance à des chefs bornés, la misère des garnisons, la déception des tableaux où l’on ne figure pas, les ennuyeuses campagnes d’Afrique, les hivers dans les casemates alpines, la nostalgie ce soir des libres manœuvres en montagnes, le regret des clartés méridionales, toute une jeunesse flétrie dans l’attente de cette guerre qui tardait à éclater.

Sa figure, empreinte de gravité tranquille, était pleine de majesté.

— Vous verrez, dit-il, que l’obéissance passive, la servitude seront les vertus de la campagne. L’enthousiasme s’en va. L’abnégation demeure. Ce qui fait notre force en temps de paix la fera plus encore en temps de guerre. Il ne s’agira pas d’être crâne un jour en courant à l’assaut. Il s’agira d’obéir, d’attendre, d’oser, d’entreprendre, de persévérer. Il s’agira d’attaquer ou de subir le feu de l’en-