Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
L’APPEL DU SOL

— Dix heures… Encore deux heures avant l’assaut, pensa Lucien.

Les obus français rasaient de plus en plus notre ligne. Leur effet devait être effroyable. Il en tombait tant, à quelques mètres en avant, qu’ils explosaient non plus sur la terre, mais sur un tapis d’éclats de cuivre et d’acier. La mélinite projetait des gerbes énormes. La ligne allemande n’était plus qu’un long cratère de volcan. Le sol, en se soulevant à chaque explosion, semblait bouillonner.

Vaissette tenait toujours dans son entonnoir. Des balles y tombaient en ronflant comme des toupies ; des pétards et des torpilles. L’éclatement de ces dernières déchirait l’air avec un bruit de soie si aigre qu’il dominait le tumulte formidable. Mais il y avait autour de l’officier de nombreux cadavres. Batisti et les chasseurs qui restaient avaient quitté leur vareuse, leur sac, leur fusil. Ils étaient en manches de chemise avec leurs musettes brunes bourrées de grenades. Leurs bras les projetaient sur les Prussiens couchés devant eux, qui s’obstinaient à ne pas reculer, à mourir. Deux Allemands avaient pénétré dans le cirque. Ils étaient