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L’APPEL DU SOL

lières, les meubles qui depuis leur mariage avaient été les témoins du cours monotone et grave des heures, l’habitude sacrée de ses amours à la fois fraternelles et violentes.

Il avait envie de raconter à ces étrangers ses fiançailles, les luttes banales de sa vie, la disposition de son intérieur. Il se contenta de leur montrer le portrait de sa femme. Et toutes ces confidences échangées, et tous ces propos bavards avaient de la grandeur parce que ces hommes savaient que dans quelques jours, au soir de l’attaque, ils ne se retrouveraient plus ainsi tous trois ensemble : quelques-uns, tous peut-être, seraient tombés au champ du sacrifice et de l’honneur.

Ils étaient arrivés à la ferme où le capitaine de Quéré les attendait. Ils s’assirent sur un banc, sous les pommiers. L’air du soir était rempli de tristesse et de douceur.

— Nous disions, expliqua Vaissette, que l’on ne réalise vraiment le drame intérieur de la guerre que si on aime. Misérable humanité qui subit des devoirs plus impérieux que les devoirs de l’amour. La tragédie des événements de cette époque nous montre que les