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AU CANTONNEMENT

— Mais vous êtes ici comme des seigneurs, fit une voix. Et dire qu’à l’arrière on vous plaint !

C’était Lucien Fabre qui rejoignait sa compagnie. Son émotion était profonde, comme celle de ses camarades. Il apportait avec lui une bouffée de printemps et de jeunesse, un peu de l’air du dehors. Chacun parlait en même temps. Lucien savait par les lettres de Vaissette tout ce qui se passait au bataillon. Néanmoins tout l’étonnait, lui semblait nouveau. Seul, le bruit du canon lui rappelait sa campagne, lui faisait bondir le cœur d’un désir d’action.

— Et que dit-on, là-bas ? lui demandait Vaissette.

Là-bas, c’était l’intérieur, par delà la zone des armées, dans cette région mystérieuse où l’on ne se battait pas ! Lucien comprenait bien le sentiment de ces guerriers : c’était celui des marins isolés du monde sur le navire. Tout se rapportait aux choses du bord. Et l’on ne parlait de la terre que comme d’une côte lointaine, dont vous séparaient les espaces de l’Océan et les longs mois de traversée.