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l’avaient occupée à diverses reprises. Toutes les caves étaient ouvertes. Un perron démoli conduisait à l’étude du notaire ; dans la grande salle sévère, les cartons éventrés avaient donné le vol aux grimoires et aux minutes accumulés depuis un siècle : c’est là que des tringlots venaient d’installer leur popote. La soupe cuisait. Ils se distrayaient en parcourant des testaments et des contrats de fermages, qu’ils déchiffraient avec difficulté. Du presbytère il ne restait pas un pan de muraille : mais les rosiers du jardin avaient été respectés par le cyclone, et sur ces décombres et ces ruines les roses les plus délicates s’épanouissaient.

Dans le village, c’était un incroyable encombrement. Des estafettes arrivaient, des cyclistes portaient des plis, les automobiles circulaient. Des soldats du génie posaient partout, au ras du sol, des lignes téléphoniques si nombreuses qu’on pouvait croire les sapeurs occupés à établir un réseau de fils de fer barbelés. Les convois de ravitaillement arrivaient ; des fourgons de toutes les formes et de toutes les couleurs hésitaient sur le chemin à suivre, encombraient les routes. Les hommes criaient et s’injuriaient.