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LA BATAILLE CONTINUE

n’ont de peine à délimiter ses marches orientales.

Le vent s’était levé. Il chassait les nuages, qui formaient dans le ciel une cavalcade magnifique. Leur passage voilait la lune, projetait des ombres mouvantes et mystérieuses sur le glacis. Les buissons s’animaient. Des ennemis s’avançaient dans les ténèbres.

On distinguait leur ligne : des coups de feu partaient qui se perdaient dans le silence. Par moments, une rafale passait, secouait les arbres et sifflait dans les taillis : les feuilles qui tombaient annonçaient l’automne. Le bruissement de leur chute ressemblait au cri de la chair pénétrée par une baïonnette. Enveloppés dans leur pèlerine, immobiles et glacés, les chasseurs avaient l’air de spectres. L’épouvante de la nuit leur dilatait les yeux.

La chose la plus horrible était les sanglots des blessés. Quand on a entendu ces longs appels douloureux, ces plaintes enfantines, ces gémissements étouffés et ces brusques cris d’agonie ou de souffrance, il semble qu’on ait pénétré jusqu’aux limites de l’angoisse et de la douleur.