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fossés creusés chaque soir par les légionnaires. Et il compara dans son esprit, non sans sourire, les luttes qu’avait livrées sa compagnie à celles que livraient les cohortes.

À présent une ombre impénétrable régnait. Les chasseurs étaient épuisés. Leurs yeux battus ou fiévreux disaient leur gloire et leur misère. Ils ne se parlaient pas : ils étaient sous l’impression de leur échec. La tristesse de la nuit les pénétrait. Vaissette voulut leur parler pour les distraire, pour leur faire sentir sa tendresse. Il était fier de commander aux débris mutilés de cette troupe qui était entrée en campagne sous les ordres du capitaine Nicolaï.

— Tu ne m’as pas l’air gai, dit-il à Angielli. Le chasseur ne répondit que par un geste de lassitude.

Gros expliqua :

— Ce n’est pas qu’on soit découragé, mais on a faim.

Ils avaient faim, en effet. Il n’y avait pas d’autre cause à leur abattement. Certes, ils sentaient bien les vides dans leurs rangs : Servajac n’avait plus la compagnie muette de