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Fabre est atterré.

Un silence encore. Puis, il appelle de nouveau :

— Girard ?

— Mon lieutenant ?

— Alors… la France est fichue !

Puis, il reste étendu, sans parole. Plus de douleur physique, plus d’angoisse morale. Il est sûr que la mort va venir. Il l’attend. La fusillade a cessé. Il n’y a que les obus qui ronflent en passant. Les cris d’agonie déchirent les oreilles. Tout un peuple de soldats crie sa souffrance. Les deux vagues d’assaut, couchées dans la trame d’acier, exhalent leur plainte. Les compagnies parsèment le gazon comme de sanglantes céréales fauchées. Toute la plaine gémit.

— Girard, dit Fabre, il nous faut partir d’ici. Ces cochons n’auraient qu’à sortir de leur tranchée pour nous prendre.

Ce n’est pas facile. Il faut ramper jusqu’au ravin. Et les voilà qui se glissent par les sillons, se traînant sur le sol. Girard est d’une rare habileté. Il ne prend pas le temps de souffler. Il avance comme un reptile, tirant de