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L’APPEL DU SOL

petites économies. Ce fut une sévère leçon et j’avais le cœur bien gros. Ma mère plus que moi. Et puis, quand je fus couché, elle vint m’apporter quelque chose : un petit porte-carte à elle qu’on lui avait offert un jour et dont, presque une paysanne, la brave femme, ne pouvait se servir… Je n’ai jamais eu de ma vie de joie plus grande, ni reçu de plus beau cadeau… Fabre, si je meurs, prenez sur moi ce pauvre portefeuille et renvoyez-le à maman, qui le reconnaîtra.

— C’est tout cela, voyez-vous, ajouta le capitaine, qui compose notre Patrie : les souvenirs de notre enfance, le paysage où nous avons grandi, le sourire de nos mères, de nos épouses ou de nos fiancées, les autels de notre foi ou l’école de notre incrédulité. Vaissette et moi n’aimons pas notre pays pour des raisons pareilles, mais nous l’aimons pareillement.

— L’amour de la patrie, répondit Vaissette est un égoïsme sacré. Ce qu’on aime en elle c’est encore soi : je veux dire ses propres souvenirs et ses propres idées. J’aime surtout la France parce qu’elle est le pays de ce doux et sanguinaire Marat, l’ami du peuple, qui, du