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L’APPEL DU SOL

Les officiers de la division, troisième et quatrième compagnie, s’étaient réunis pour attendre ensemble les événements : Fabre et Vaissette, le lieutenant d’Aubres et le capitaine de Quéré.

Vaissette, par cette nuit, se sentait plus bavard que jamais. Il pensait à mille choses à la fois, et, pour un coup, ses idées semblaient se suivre sans ordre et sans harmonie.

— Cette lutte de toute l’Europe, disait-il, est le bouleversement le plus formidable de l’histoire. Qu’est-ce désormais que Cannes ou que Marignan ?

Puis il ajoutait :

— Ce qui me console, c’est que ma mère, si je suis tué, aura une pension plus forte, puisque maintenant je suis officier.

Lucien Fabre se sentait la tête lourde, tant il nourrissait en même temps de pensées et de souvenirs. Les minutes qu’il vivait étaient les plus profondes de sa vie. Car il avait la conviction qu’il serait tué le lendemain.

Il avait vingt ans. Il y a trois semaines il était un enfant. Il était un homme depuis quelques jours : tel avait été en son âme le