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L’APPEL DU SOL

je prends le commandement de la quatrième compagnie. J’attends de vous ce qu’en aurait obtenu le capitaine Nicolaï.

Et voici que tous les hommes avaient senti que cette minute était solennelle. Ils revoyaient la charge de l’autre jour. Ils se rappelaient leur capitaine. Angielli murmurait :

— Nom de Dieu ! nom de Dieu !…

— Maintenant, ajouta Lucien Fabre en haussant un peu la voix, écoutez-moi bien. Les Allemands sont arrivés jusqu’ici. Ils ont envahi une partie de la France. Depuis hier est engagée la bataille dont dépend la destinée du pays…

La voix de l’officier tremblait un peu. Tous les hommes étaient haletants. Il dit encore :

— Mes enfants…

Lucien avait vingt ans. Tel chasseur, dans la compagnie, aurait pu être son père. Mais sa parole avait, ainsi, tout son sens de tendresse et d’autorité.

En d’autres circonstances, il eût prononcé un discours plus long. Il savait par expérience que les paroles enflammaient ses hommes. Mais ce jour-là, c’était différent. Toute emphase détonnait. Et il s’exprimait d’une voix sourde, con-