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L’APPEL DU SOL

Il ajouta plus gravement :

— Nous allons donner jusqu’à la mort. J’ai répondu de ma compagnie au commandant. Je n’ai pas à vous en dire davantage.

C’étaient là des paroles presque banales. Elles étaient échangées très simplement, à mi-voix. Nulle mise en scène, rien de théâtral, ni dans le décor, ni dans les mots ; la canonnade poursuivait son bruit monotone, les chasseurs ronflaient, inconscients. Et soudain, pourtant, un frisson venait de parcourir ces deux êtres. Leurs yeux brillaient. Ils avaient pâli un peu. La plus froide, la plus implacable décision habitait en eux. Ainsi, depuis quelques heures, un souffle immense passait sur tous ces soldats appelés à mourir.

— J’ai un ordre du jour du général en chef, dit Fabre. Allons le lire aux hommes.

Ils se levèrent tous deux et rejoignirent, à travers les fourrés, la compagnie. Il leur semblait avoir vieilli, être grandis. Leur démarche était plus pesante et plus volontaire. Fabre appela son ordonnance.

— Tiens, dit-il, voici du galon d’argent. Tu vas en coudre un second près de celui qui se