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UNE ÉTAPE

dans les bidons. Avec la permission de l’officier, les hommes se partageaient, par camarades de combat, une boîte de conserves. Beaucoup s’étaient endormis sans manger, dans le fossé ou à même la route. Quelques traînards rejoignirent les compagnies.

On repartit. Ce fut plus pénible encore. Les lourds souliers traînaient sur la chaussée, la rabotaient. Il n’y avait plus de rangs. On marchait pêle-mêle, en sommeillant, lentement. Tous les kilomètres, un ou deux chasseurs quittaient la colonne et s’effondraient, anéantis. Angielli, pour se réveiller et ranimer les courages, avait voulu chanter une chanson de marche. Mais il n’avait pas rencontré d’écho. Alors, il s’était tu. La compagnie, pourtant, était plus compacte que les autres. La volonté de son chef la galvanisait. Ce gamin de Fabre allait à pied, sans parler non plus à cause de la fatigue, mais toujours présent, tantôt près de l’un, tantôt près de l’autre.

Peu à peu, le paysage s’éclaira. Une magnifique lumière d’été emplit l’air. Le soleil séchait la route, buvait l’eau des pèlerines et des vareuses. Le bruit courait, on ne sait pourquoi,