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GUSTAVE FLAUBERT

d’ordre plus intellectuel que le désir. Elle est dévorée de la curiosité de savoir ; et par là encore, elle touche à la nature féminine dans ce qu’elle a de plus intime ; elle rejoint l’Ève éternelle qui veut goûter, elle aussi, au fruit de l’arbre de la science, malgré la défense divine. Elle veut savoir, non pas même pour la joie de savoir, car elle n’ignore pas que toute la science du monde ne la satisfera jamais, mais uniquement pour le plaisir de violer le grand secret et d’enfreindre la loi. Lorsque Shahabarim, le prêtre de Tanit, la vient visiter, le vieillard a beau lui répéter qu’il n’a plus rien à lui apprendre, elle le presse de ses questions, elle le tourmente pour qu’il lui dévoile la pure essence de la Déesse, qu’elle adore sans la comprendre ; mais le prêtre la repousse d’un geste véhément : « Ton désir est un sacrilège, — lui dit-il ; — satisfais-toi avec la science que tu possèdes ! » Et Salammbô tombe sur ses genoux ; elle sanglote, écrasée par la parole du prêtre, pleine à la fois de colère contre lui, de terreur et d’humiliation.

Ne serait-ce que pour mieux sentir ce qu’il y a de profondément humain et d’universel dans ce caractère de Salammbô, qu’on lise, dans la Cor-