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pas qu’on y désapprouve les spectacles en eux-mêmes, mais on craint, dit-on, le goût de parure, de dissipation et de libertinage que les troupes de comédiens répandent parmi la jeunesse. Cependant ne serait-il pas possible de remédier à cet inconvénient, par des lois sévères et bien exécutées sur la conduite des comédiens ? Par ce moyen Genève aurait des spectacles et des mœurs, et jouirait de l’avantage des uns et des autres ; les représentations théâtrales formeraient le goût des citoyens, et leur donneraient une finesse de tact, une délicatesse de sentiment qu’il est difficile d’acquérir sans ces leçons.

« La littérature en profiterait sans que le libertinage fît des progrès. Genève réunirait à la sagesse de Lacédémone la politesse d’Athènes. »

D’Alembert, à son ordinaire, appuie et développe trop longuement. Peu importe à Rousseau, c’est le fond qu’il conteste et le théâtre qu’il veut proscrire, non partout, mais à Genève.

La lettre de Rousseau à d’Alembert a l’étendue d’un livre ; tous les regards alors se tournaient vers lui, les âmes se penchaient vers les paradoxes dont son style, quelle que fût sa thèse, assurait le retentissement. Rousseau ne cache pas ses principes :

« Au premier coup d’œil jeté sur ces institutions, dit-il, je vois d’abord qu’un spectacle est un amusement, et s’il est vrai qu’il faille des amusements à l’homme, vous conviendrez au moins qu’ils ne sont permis qu’autant qu’ils sont nécessaires, et que tout