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d’une belle œuvre de l’esprit, demandait : « Qu’est-ce que cela prouve ? »

« Je me contenterais, ajoute-t-il, de demander qu’est-ce que cela apprend ? »

Cette question adressée à la préface de l’Encyclopédie resterait sans réponse.

L’Encyclopédie, plus encore que la préface, souleva de vives critiques. L’œuvre de tant de mains était fort inégale. On citait beaucoup de questions faiblement traitées ; d’autres n’auraient pas dû l’être du tout. Le dictionnaire, en somme intéressant et utile, attirait surtout l’attention par le scepticisme philosophique qui y règne.

Voltaire, qui prévoyait les difficultés de cet immense programme, est à demi ironique, mais aussi à moitié sérieux, quand il termine par ces mots une lettre aux deux collaborateurs : « Adieu, Atlas et Hercule, qui portez le monde sur vos épaules. Tant que j’aurai un souffle de vie, je suis au service des illustres auteurs de l’Encyclopédie. »

Il envoie des articles de tous genres au bureau qui enrichit le genre humain.

Le genre humain ne pouvait s’enrichir en un jour. Le monument sans avenir s’élevait trop vite. D’Alembert le comparait à un habit d’arlequin, où il y a quelques morceaux de bonne étoffe et beaucoup de haillons.

Le magnifique programme planait au-dessus des débris, mais les ennemis, acharnés et nombreux, ne voulaient et ne pouvaient voir que les détails : ils en