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théâtre une passion que les anciens n’y avaient guère connue, et, développant les ressorts du cœur humain, joignait à une élégance et une vérité continues quelques traits de sublime. Despréaux dans son Art poétique se rendit l’égal d’Horace en l’imitant. Molière, par la peinture fine des ridicules et des mœurs de son temps, laisse loin derrière lui la comédie ancienne. La Fontaine fit presque oublier Ésope et Phèdre, et Bossuet alla se placer à côté de Démosthène. »

Tout cela n’est pas et n’était pas même alors bien nouveau, mais suffit pour justifier d’Alembert d’avoir aspiré à prouver, en l’écrivant, qu’un géomètre peut avoir le sens commun.

Le rôle des Italiens, celui des Anglais chez lesquels il admire sans limite l’immortel chancelier Bacon et le sage philosophe Locke, sont indiqués avec une impartiale justice. Descartes est jugé de haut par un de ses pairs comme géomètre, par un adversaire indulgent pour les autres faces de son génie. « Il a peut-être été grand, mais il n’a pas été heureux. « Il paraît impossible de mieux dire en moins de mots. Sur sa philosophie et sur son système du monde, d’Alembert est bien loin de vouloir l’amoindrir. Sa méthode aurait suffi pour le rendre immortel.

« Cet homme rare, dit-il, dont la fortune a tant varié en moins d’un siècle, avait tout ce qu’il fallait pour changer la face de la philosophie. Une imagination forte, un esprit très conséquent, des connaissances puisées dans lui-même plus que dans les livres, beau-