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Lorsque l’Académie choisit l’abbé Bossut, géomètre estimable, auteur d’une très bonne histoire des mathématiques, d’Alembert écrit en annonçant ce choix :

« Nous avions pourtant grand besoin de géomètres. » Deparcieux, homme à projets utiles, que Voltaire a appelé grand géomètre, est caractérisé par d’Alembert comme un de ces hommes qu’il est bon d’avoir dans les Académies afin que les gens en place soient persuadés qu’elles sont bonnes à quelque chose.

D’Alembert d’ailleurs — c’est à la fois une explication et une excuse — n’épargne pas à ses propres ouvrages ses jugements dédaigneux ou sévères. « Je m’amuse, écrit-il à Lagrange, à faire imprimer deux volumes d’opuscules qui comprennent tous les rogatons géométriques que j’imprime, pour m’en débarrasser, comme les femmes qui épousent leurs amants pour s’en défaire. »

Je ne quitterai pas la correspondance entre d’Alembert et Lagrange sans y relever un trait piquant qui trouverait difficilement place ailleurs.

D’Alembert protégeait et aimait le jeune Lagrange ; il avait, lors ’un voyage de Turin à Paris, recommandé le grand géomètre à son ami Voltaire, dont le domaine des Délices se trouvait sur la route. Le jeune protégé de d’Alembert, accueilli gracieusement par l’auteur de la Henriade, de Zaïre, de l’Essai sur les mœurs et de ’'Candide, il y en avait pour tous les goûts, ne parut nullement ébloui. Il écrit à d’Alembert :