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qu’on admet un être intelligent et capable d’agir sur la matière, il est évident que cet être peut à chaque instant la mouvoir et l’arrêter à son gré, ou suivant des lois uniformes, ou suivant des lois qui soient différentes pour chaque instant et pour chaque partie de matière ; l’expérience continuelle de notre corps nous prouve assez que la matière, soumise à la volonté d’un principe pensant, peut s’écarter dans ses mouvements de ceux qu’elle aurait véritablement si elle était abandonnée à elle-même. La question proposée se réduit donc à savoir si les lois de l’équilibre et du mouvement qu’on observe dans la nature sont différentes de celles que la matière abandonnée à elle-même aurait suivies. »

Cette seule manière raisonnable de poser la question semble, il faut l’avouer, bien singulière, et l’idée de considérer la matière abandonnée à elle-même et affranchie du gouvernement, on pourrait presque dire des caprices de la raison souveraine, laisse entrevoir l’ami de Diderot disposé à écarter partout et toujours, dût-il ne rien rester, les arguments puisés dans une telle considération.

Lorsque Lagrange déclare que la dynamique de d’Alembert a mis fin entre les géomètres aux problèmes difficiles proposés par défi, si le lecteur suppose que la théorie du mouvement, trop bien connue, n’était plus digne de servir d’épreuve, il a très mal compris l’assertion. Descartes, parlant de sa grande découverte, l’analyse appliquée à la géométrie, déclare, non sans orgueil et même avec plus d’orgueil