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persuadons pas qu’une telle étude ne fût alors qu’une inutile et ridicule curiosité. Nul ne songe aujourd’hui à invoquer les règles du syllogisme, on ne le comprendrait pas. Lorsque, il y a deux cents ans, ces règles rigoureuses et irréprochables étaient connues de tous les honnêtes gens, il suffisait, aux yeux des bons juges, pour triompher dans une discussion, de résoudre in modo et figura les arguments sophistiques de l’adversaire ; chacun félicitait le vainqueur sans ignorer pour cela que le vaincu pouvait avoir raison.

Par le respect de ces règles excellentes, ingénieux théorèmes dans la science du raisonnement, on faisait preuve d’éducation classique, à peu près comme la connaissance de l’escrime ou de l’équitation faisait paraître un élève des académies vraisemblablement de bonne famille.

L’éducation, à toutes les époques — on aurait grand tort de s’en plaindre, — a joint aux connaissances réellement utiles à tous un savoir convenu, sorte de franc-maçonnerie entre ceux qui le possèdent. À quoi sert l’orthographe, sinon à démontrer qu’on a été bien élevé ? En Chine, les lettrés ont une langue à part, cela n’est ni sans intention ni sans avantage.

La physique de Descartes enseignée pendant les années de philosophie convenait moins encore à l’esprit rigoureux de d’Alembert. Les cartésiens de collège déraisonnaient en termes obscurs sur des questions mal définies et mal comprises ; d’Alembert ne conserva de ses maîtres en physique que