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sonne ; et ce qui est heureux pour lui, c’est qu’il ne lui vient pas plus d’esprit qu’il n’en montre, car il le laisserait voir, ne fût-ce que par l’impuissance absolue où il est de se contraindre sur quoi que ce puisse être. Tout le monde est donc à son aise avec lui sans qu’il y tâche ; et on s’aperçoit bien qu’il n’y tâche pas ; ce qui fait qu’on lui en sait bon gré. Il est d’ailleurs d’une gaieté qui va quelquefois jusqu’à l’enfance ; et le contraste de cette gaieté d’écolier avec la réputation bien ou mal fondée qu’il a acquise dans les sciences, fait encore qu’il plaît assez généralement, quoiqu’il soit rarement occupé de plaire : il ne cherche qu’à s’amuser et à divertir ceux qu’il aime ; les autres s’amusent par contre-coup, sans qu’il y pense et qu’il s’en soucie.

Il dispute rarement et jamais avec aigreur : ce n’est pas qu’il ne soit, au moins quelquefois, attaché à son avis ; mais il est trop peu jaloux de subjuguer les autres pour être fort empressé de les amener à penser comme lui.

D’ailleurs, à l’exception des sciences exactes, il n’y a presque rien qui lui paraisse assez clair pour ne pas laisser beaucoup de liberté aux opinions ; et sa maxime favorite est que presque sur tout on peut dire tout ce qu’on veut.

Le caractère principal de son esprit est la netteté et la justesse. Il a apporté dans l’étude de la haute géométrie quelque talent et beaucoup de facilité, ce qui lui a fait en ce genre un assez grand nom de très bonne heure. Cette facilité lui a laissé le temps de