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raconter les nouvelles et discuter les questions du jour. Quelquefois même, des visiteurs d’importance, satisfaits d’avoir vu Mlle de Lespinasse, sans attendre l’heure fixée par Mme du Deffant, allaient porter dans d’autres salons les anecdotes et les bons mots recueillis chez elle en son absence. Quoi qu’aient pu dire les amis trop prévenus et quel qu’ait été l’emportement trop vif de Mme du Deffant, il y avait indélicatesse et trahison. Mlle de Lespinasse, loin de se montrer repentante, le prit de très haut et, rompant sans retour avec sa bienfaitrice qui la chassait, accepta l’aide de ses amis. Chacun s’inscrivit suivant ses moyens. Mme Geoffrin fit don de 3 000 livres de rente viagère ; Mme de Luxembourg se chargea du mobilier, et les admirateurs de Mlle de Lespinasse lui assurèrent avec une modeste aisance le moyen de les recevoir encore.

La colère de Mme du Deffant fut terrible. Il fallut choisir entre les deux salons : d’Alembert n’hésita pas. Blâmant avec colère la vieille amie, qu’il ne revit plus, il prit parti pour Mlle de Lespinasse.

Mme du Deffant l’aimait quoi qu’il pût faire ou dire. Quinze ans après, la mort de Mlle de Lespinasse ne lui arracha qu’une seule exclamation : « Si elle était morte quinze ans plus tôt, j’aurais conservé d’Alembert ».

On a beaucoup écrit et beaucoup rapproché de dates à l’occasion de d’Alembert et de Mlle de Lespinasse. Le récit accepté ne paraît pas exact.

Moins d’une année après avoir quitté Mme du