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Paris. Il était loin d’avoir dépensé la somme envoyée par Frédéric ; il voulut rendre le reste. Frédéric lui répond :

« Ne me parlez pas de finances. On m’en rebat les oreilles ici et je dis comme Pilate : « Ce qui est écrit est écrit. »

C’est dans de telles occasions seulement que Frédéric prenait un ton de maître.

Lorsque, six ans après, d’Alembert perdit Mlle de Lespinasse, son désespoir fut connu de tous. Frédéric lui écrivit de longues lettres de condoléance et de consolation. Essayant tous les tons pour mieux réussir, il avait, dans l’une d’elles, introduit quelques plaisanteries. Le lendemain une lettre de d’Alembert laisse voir une douleur si profonde et si vraie que Frédéric, craignant de l’avoir blessé, lui envoie des excuses.

« Mon cher d’Alembert, je vous avais écrit hier et, je ne sais comment, je m’étais permis quelques badinages. Je me le suis reproché aujourd’hui en recevant votre lettre. »

Un tel trait marque sans laisser de doute ce qu’ils étaient l’un pour l’autre. Les relations de d’Alembert avec l’impératrice Catherine ne font pas moins d’honneur à son désintéressement et à la dignité de sa conduite que son intimité avec Frédéric. Le 2 septembre 1762, avant son voyage à Berlin, d’Alembert avait reçu d’Odar, conseiller de cour et bibliothécaire de l’impératrice de Russie, la lettre suivante :

« Monsieur, la nature de ma commission peut