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premier objet étant de lui faire la cour, je n’irais à Berlin qu’avec lui.

« Après m’avoir parlé de mes éléments de philosophie, dont il est très content, le roi me demanda si je n’aurais pas pitié de ses pauvres orphelins, c’est ainsi qu’il appelle son Académie. Il ajouta à cette occasion les choses les plus obligeantes pour moi, auxquelles je répondis de mon mieux, mais en lui faisant connaître cependant la ferme résolution où j’étais de ne point renoncer à ma patrie ni à mes amis. Je dois à ce prince la justice de dire qu’il sent toutes mes raisons, malgré le désir qu’il aurait de les vaincre. Il est impossible de me parler de cela avec plus de bonté et de discrétion qu’il l’a fait. Il a fini la conversation par désirer que je visse son Académie et les savants qui la composent. Le 13 au matin, nous sommes partis pour venir ici, à Charlottenbourg, à une petite lieue de Berlin, et, le 14, j’ai profité du voyage pour aller voir la ville et l’Académie. J’y ai été reçu avec toutes les marques possibles d’estime et d’empressement. Le soir je retournai auprès du roi, que je trouvai se promenant tout seul (cela lui arrive souvent) ; il me demanda si le cœur m’en disait. Je lui répondis que tous ces messieurs m’avaient reçu avec toute la bonté possible et qu’assurément le cœur m’en dirait beaucoup s’il ne me disait pas avec une force invincible pour les amis que j’avais laissés en France. »

D’Alembert, toujours bon et dévoué, ne voulant rien accepter, moins encore demander pour lui-