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XLII
INTRODUCTION

rient le plus. Ce premier choix fait, il reste à établir comment ils varient.

Du moment qu’il y a variation d’un sujet à un autre, on peut être assuré, avons-nous dit, que la répartition des cas individuels obéira à la courbe binomiale. Mais ce n’est souvent qu’après une analyse délicate qu’on arrive à découvrir le point de vue spécial d’où il convient d’examiner un caractère, pour en mettre la sériation nettement en relief. Le problème ne devra être considéré comme résolu que lorsque la progression des rubriques, essayée sur quelques centaines de sujets, se sera révélée au dépouillement statistique comme réellement affectée d’une fréquence symétriquement décroissante de la partie médiane aux deux extrémités.

Un autre obstacle contre lequel on a à lutter, vient de la présence dans la langue courante d’expressions très figuratives, mais englobant divers attributs, et qu’il est, par conséquent, impossible de faire entrer telles quelles dans une sériation. Souvent deux termes descriptifs que l’on applique couramment au même organe et dans lesquels, à cause même de l’exagération caractéristique qu’ils expriment, l’on serait tenté, au premier abord, de voir les deux extrêmes d’une série, visent en réalité des caractères entièrement différents.

Ainsi, par exemple, on parle couramment du teint coloré de l’ivrogne et du teint basané du mulâtre, et il serait pourtant impossible de découvrir une série naturelle d’intermédiaires conduisant de l’un à l’autre. C’est que le teint est le résultat de la combinaison de deux éléments qui varient indépendamment : la coloration sanguine et la coloration pigmentaire. Le premier terme ne vise que la quantité plus ou moins grande de sang que la transparence de la peau laisse percevoir et le deuxième les variations de la matière jaunâtre qui colore plus ou moins abondamment la peau de tous les humains, même de ceux de race blanche. L’ivrogne a souvent la coloration sanguine poussée au maximum ; le mulâtre présente l’exagération de la coloration pigmentaire. Il n’y a aucune corrélation à établir entre ces deux caractères, qui sont chacun l’extrême d’une série spéciale nécessitant une rubrique particulière.

En général, pour apercevoir la série des intermédiaires constituant un groupe binomial et conduisant d’un extrême à l’autre, il faut pousser l’analyse et la décomposition des caractères jusqu’à ce qu’il soit possible de répondre à chaque rubrique par l’un des qualificatifs petit ou grand ou par une sériation de termes analogues.