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CAMBODGE

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crête ii Piiilialu ou Thonol, puis, vers 1670, l’évèquc de Bérythc, de II Motte-Lambert, envoya au Cambodge le père louis Chevreuil pour visiter les divers centres de prosélytisme dans le pays. Le vicariat apostolique de la Co Ijhi lune, formé en 1659 aux dépens du diocèse de Malacca, a été divisé en 1844 en deux vicariats : Cochincbine orientale et Cocliincliine occidentale, et enfin de ce dernier, dédoublé en 1850, on a détacbé le vicariat apostolique du Cambodge (qui appartient au séminaire des missions étrangères de Paris), dont le premier administrateur lut Jean-Claude Miche, évôme de Dansara, qui mourut à Saigon le 1 er déc. 1873. Ce vicariat apostolique embrasse également les deux provinces de la Cochincbiue française de lia-lien et de Cbaudoc et diverses tribus laotiennes. L’abbé Louis Aussoleil, du diocèse de Tulle, qui remplaça Ms r Miche comme supérieur de la mission, retourna en France en 1875 ; ce dernier a été définitivement remplacé comme supérieur par Marie-Laurent-François-Xavier Cordier qui, supérieur de la mission de 1875 à 1882, a été le 6 janv. 1883, sacré évêque de Gratiauopolis, et est actuellement encore le vicaire apostolique de la mission, avec vingt et un missionnaires européens pour l’aider dans son apostolat. La mission du Cambodge a d’ailleurs donné, comme celle de Cocliincliine, un certain nombre de victimes, dont la plus illustre est probablement Jean-Baptiste Barreau, massacré le 9 janv. 1867. — L’enseignement catholique comprend au Cambodge 29 écoles paroissiales avec 1,132 élèves ; un séminaire avec 85 élèves ; 4 orphelinats avec 200 enfants environ ; la Sainte-Enfance, etc., sont dirigés par les sœurs de la Providence de Portieux, qui remplissent les mêmes fonctions que les sœurs de Saint-Paul de Chartres à Saigon. On estime la population chrétienne du Cambodge, distribuée dans 17 districts, à 16,116 convertis, dont 850 Cambodgiens, 62 Chinois et le reste annamite, la plupart, environ 10,000, sur territoire français.

Histoire. — L’histoire du Cambodge remonte à une très haute antiquité, et s’est trouvée associée d’une façon très intime à celle des pays voisins, le Siam, le Laos, leTchampa et l’Annam. Une légende d’origine indienne marque bien les rapports si étroits entre ces différents peuples. Le roi des génies Préa-En (Phra-lndra) apparut un jour aux rois du Cambodge, du Siam et de l’Annam pour leur demander ce qu’ils désiraient : il tenait à la main une épée flamboyante. Le premier de ces princes voulait obtenir l’observation exacte des préceptes de la justice : il reçut l’épée étincelante comme le diamant. Le second se contentait de son royaume, et on lui donna une garde d’épée d’or et d’ivoire ; le dernier qui souhaitait la toute-puissance eut en présent un fourreau d’or. Cette épée antique, nommée Préa Khan, est confiée à la garde des Bukous, que l’on nomme aussi Préam, Bréam, Borohet, et dont les chefs sont au nombre de sept, le premier portant le titre de Prea-thommorut-Eysey-sel-sel-rutchi-cliessda. Ces Bakous sont en réalité des brahmes, et ils prétendent venir du N.-O. de l’Inde, du pays même de Camboya, d’où le nom de Cambodge, tandis que les Cambodgiens eux-mêmes ne viendraient que du P. gou. Quoi qu’il en soit, on trouve déjà le royaume du Cambodge au iv e siècle de notre ère. Les livres bouddhiquîs furent apportés de Ceylan, Srok Langka, par le religieux l’reà Put Khosa, sous le règne de l’rài Ket Méaleà. Au vu" siècle, le Cambodge appartenait à la province chinoise de Founan, qui correspondait à peu près au Tong-King ; en 616, le Tchin la, Tchen-la ou Tchan-la, comme les Chinois appelaient le Cambodge, commença à payer le tribut au Céleste-Empire ; il le payait encore sous les Tang (quatre fois), les Song, les Mmg. I.n 625, le roi du Cambodge avait cependant secoué le joug de la Chine et s’était même emparé du Tong-King et du Tchampa (Binh-Thuan actuel). Plus tard, sous les Mmg, le roi du Cambodge étendit sa domination sur l’Annam. Un voyageur chinois, qui a visité le Tchin— la au xiii siècle, nous a laissé une description de ce royaume qui a été traduite en français successivement par Abel Rémusat (Paris. 1819, in-8 et Kouv. tiél. As., I, pp. 71-152) et M. d’Hervey de Saint-Denys (Ma Touanlin, II, pp. 476-488). Le Siam, qui au vu e siècle dépendait du Cambodge, s’en rendit indépendant, d’où son nom de Muang-Thai, le royaume des libres. En 1018, les Cambodgiens payèrent le tribut à l’Annam ; en 1057, un lépreux, guéri par l’réa En, monta sur le trône du Cambodge. Dès le xiii* siècle commence la décadence du Cambodge, que ne contribuèrent pas peu à accélérer les luttes intérieures, mais qui eut pour point de départ la guerre contre les Mongols de Chine (1268). L’histoire du Cambodge devient plus certaine a partir du xiv e siècle, grâce à la deuxième partie de la Chronique royale ou l’onysa Voda qui commence en 1346 et qui a été publiée dans les Explorations et Missions de Doudart de Lagrée. Le xvn e et le xviii" siècle sont marqués par des luttes contre le Siam et l’Annam ; c’est à partir de la seconde moitié du xvn 6 siècle que date l’ingérence des Annamites dans les affaires du Cambodge, qui occupait alors non seulement le Cambodge actuel, mais encore les six provinces de la Basse-Cochinchine. En 1680, 3,000 Chinois fidèles aux Mmg et qui ne voulaient passe soumettre aux Mandchous, se rendirent de Canton à Tourane, d’où le roi d’Annam les expédia en Basse-Cochinchine, où ils s’établirent à Mytlio et à Bien-Hoa. La première moitié du xvin* siècle est marquée par des luttes avec le Siam, dont l’influence alla grandissant avec des fortunes diverses jusqu’en 1809, époque à laquelle les Siamois s’emparèrent de Battambang. En 1834, le roi Nc’ac-Ang-Chan, qui régnait depuis 1796, mourut ; sa mort lut le signal de nouvelles luttes, mais les Siamois lurent arrêtés dans leur invasion par les Annamites. La guerre, intermittente pendant les années suivantes, recommença en 1840 : elle fut enfin terminée en 1847 par la reconnaissance, et par le Siam et par l’Annam, de Néac An-duony comme roi du Cambodge, qui s’engagea à payer le tribut à ses deux puissants voisins à la lois. A la mort de Anduong, à Oudong en 1860, son fils alr.é, Ang-Chrelang ou l’rda-Ang-Beachda-Votey, né en 1834, monta sur le trône : c’est le roi Norodom dont l’histoire se confond avec celle de l’établissement du protectorat français au Cambodge, que l’on trouvera plus loin.

Les Étrangers au Cambodge. — Les Portugais arrivèrent dès le milieu du xvi e siècle au Cambodge, ou ils établirent une mission catholique (1553) ; ils obtinrent un terrain par une ruse qui rappelle celle des compagnons de bidon, en coupant la peau d’un buffle en lanières extrêmement minces, de façon à couvrir le plus grand espace de terrain qui leur avait été concédé par les indigènes. Les Portugais, sous lorme de métis, et en conservant leur nom, ont continué à jouer un rôle dans l’histoire du Cambodge, où ils cherchèrent, surtout au commencement du xvn 8 siècle, à développer leur influence lorsqu’ils eurent été chassés de Sumatra par les Hollandais. Je relève qu’en 1596, le Portugais Luvis Vélo tua l’un des rois du Cambodge ; en 1811, Joseph de Monteiro fut nommé médecin du roi ; l’interprète actuel du roi Norodom se nomme Kol de Monteiro. Ce lurent les Portugais qui découvrirent en 1570 les fameuses ruines d’Angcor. Les Hollandais arrivèrent lontemps acres les Portugais, mais ne restèrent que fort peu de temps au Cambodge. On a conservé la relation du voyage de Ceraerd van Wusthof, l’un des agents de la Compagne des Indes néerlandaises, dans le Laos et au Cambodge en 1641. Elle est comprise dans une plaquette introuvable dont je possède un exemplaire, intitulée Yremdc Geschiedenissen in de Koninckrijcken van Cambodia en Louwen-lant ; in Oot-lndœn, zedertden lare i035, tôt den lare 1644 ; atdaer voor-gevillen... Ilaerlem, Picter Casleleyn, 1669, in-4. Francis Garnier a donné une partie de cette relation dans le liai. Soc. Géoy. de Paris, 1871, pp. 249-289. A la suite de discussions entre les Portugais et les Hollandais, deox ans plus