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AVOCAT

parablement adjoints à la possession de tout domaine territorial. Cependant cette nécessité se heurtait à une impossibilité résultant du caractère attribué au clergé par la discipline de l’Eglise et aussi aux prohibitions et aux incapacités édictées par les empereurs : « Episcopus aut presbyter aut diaconus seculares curas non suscipito (Canons des apôtres, VI). Clericus qui se fidejussorem dat, deponitor (Can. XIX). Non oportet episcopum aut presbyterum publicis se administratlonibus immiscere : sed vacare et commodum se exhibere usibus ecclesiasticis... Nemo enim potest duobus dominis servire (Can. LXXX). — Placet nostrœ clementiœ ut nihil commune clerici cum publicis actionibus vel ad curiam pertinentibus habeant (Code de Justinien, liv. I, titre 111, 17). Qui divino ministerio consecrati sunt, hos ab externarum rerum occupationibus et molestiis liberos esse oportet (Constitutions de Léon, LXVIH) . Hos non modo peccati turpitudine mundos esse ; verumetiam a commuais vitce neyotiis et molestiis vacare decet (LXXXVi). En cette dernière constitution, l’empereur Léon compare ceux que Dieu a élus pour son autel aux objets consacrés au culte et qui ne doivent point être souillés par un usage ou un attouchement profane.

Devant ces exigences contradictoires, l’Eglise fut induite à commettre le soin de ses intérêts, la défense deses droits et l’accomplissement de ses services séculiers à des personnes étrangères au clergé : advocati, defensores Ecclesiœ. Dès 401 on trouve en Afrique l’indice de l’introduction de cette fonction laïque dans l’organisme de l’Eglise (Cod. can. eccl. Afric, c. 97). En 416, le concile de Milève statua que les défenseurs de l’Eglise seraient pris parmi les scholastici (Can. Milev., Il, 16). Ils sont mentionnés parle concile de Cbalcédoine (450), qui les distingue des clercs et des œconomi, et par le pape Gélase (492-496). Comme leur office correspondait à un besoin permanent et que, pour être exercé, i ! supposait un accord entre les princes et l’Eglise, on en fit une véritable institution. A Constantinople, les empereurs donnèrent à cette institution une forme centralisatrice et bureaucratique ; à Rome, elle se développa sous la direction des papes et elle reçut de Grégoire le Grand (590-60 i) une organisation qui devait grandement servir à l’extension de la puissance et du domaine de la papauté. Les fonctions générales assignées par les papes à ces avocats ou défenseurs consistaient à agir pour les droits de l’Eglise, à accepter et à recueillir les legs faits aux pauvres, à être envoyés en mission pour soutenir les appelants qui de loin recouraient à la protection de l’évêque de Rome, enfin à administrer les domaines éloignés appartenant au siège apostolique. En outre, il y avait à Rome sept defensores reyionarii chargés chacun d’un territoire distinct. Pépin et Charlemagne reçurent, à titre suprême, le nom de défenseur de l’Eglise de Rome ou d’avoué du Saint-Siège, et ils le transmirent aux empereurs germains ; mais cette dénomination, appliquée à des princes, concerne moins les fonctions et les relations dont il s’agit dans cette notice, que le jus circa sacra, les droits et les devoirs que, depuis Constantin, l’Eglise attribuait aux souverains, comme évêques de dehors et pasteurs laïques. L’intérêt du sujet consiste surtout dans l’histoire des fonctionnaires séculiers des églises locales et des monastères.

L’état de choses établi en Occident, à la suite de l’invasion des barbares, l’accroissement du domaine foncier de l’Eglise, les charges imposées alors à tout domaine de ce genre pour l’administration de la justice et le service militaire avaient multiplié et aggravé les causes qui obligeaient le clergé à s’adjoindre des officiers laïques. La plupart des évêchés, des abbayes et des églises se pourvurent de ces agents. On les trouve mentionnés dans la loi Salique et dans la loi Gombette, dans la loi des Lombards et dans les Capitulaires. Ils devaient être constitués secundum régulas vel canones. En principe, il semble qu’ils devaient être choisis en présence du comte et parmi les propriétaires du voisinage ; mais, en fait, le mode de leur nomination variait suivant les lieux. Souvent aussi les fondateurs s’étaient réservé pour eux et pour leurs héritiers le titre et la fonction de défenseur ou le droit de les conférer. Cet office est désigne d’une manière quelque peu contuse, sous des apppllations diverses : advocatus, tutor exactor, defensor,causidicus, pastor laïcus,prœpositus, vicedominus, munburdus, mundiburdus, mundiburgus. Dès le commencement du xi e siècle, Vadvocatus (avoué) est souvent distingué du vicedominus (vidame) qu’on appelle quelquefois major domus. Le vicedominus était chargé de l’administration et du gouvernement des dépendances laïques ; le prœpositus (prévôt) des dépendances cléricales. A côté d’eux on trouve Vœconomus, qui est ordinairement un clerc, commis à la gestion intérieure des intérêts temporels de l’église ou du monastère. L’organisation de la féodalité précisa davantage encore et surtout agrandit considérablement les fonctions de ces agents de l’Eglise ; elle finit par modifier complètement la nature des rapports des avoués ou vidâmes avec leurs clients. Non seulement ils administraient le temporel et gouvernaient les laïques dépendant du domaine ecclésiastique ; non seulement ils représentaient les églises ou les abbayes dans les causes où elles étaient parties, et cela dans un temps où le combat judiciaire était une des formes de la procédure ; mais ils rendaient eux-mêmes la justice, ils commandaient les forces militaires et menaient à la guerre les vassaux de fief ecclésiastique obligé de fournir des soldats à son suzerain. — Cette extension des attributions détermina le changement du mode de rémunération. Primitivement, les avoués recevaient un salaire annuel, avec certaines redevances pour leur entretien et, en outre, le tiers des profits de justice, tertiapars bannorum, emendarum, legum, compositionum ; plus tard, ils se firent concéder des terres et s’attribuèrent le tiers de la valeur de tout le domaine foncier confiéà leur protection. Le développement du régime féodal et l’ascendant que ce régime leur assurait finirent par leur procurer collatéralement au droit des ecclésiastiques, et à titre de fief, un droit propre et héréditaire. Les fiefs de ce genre s’appelaient habituellement vidamies, quand ils dépendaient d’un évêché, avoueries, quand ils dépendaient d’une abbaye. Cependant cette distinction dans les dénominations ne parait avoir été ni aussi précise ni aussi générale qu’on le suppose communément. — Plusieurs conciles avaient essayé de réprimer les empiétements des avoués, en prononçant contre ceux qui les commettaient l’excommunication et la privation de sépulture ecclésiastique ; mais ces mesures n’avaient pu empêcher les usurpations qui viennent d’être relatées ni même des abus plus graves. En divers lieux les avoués en vinrent à se considérer et à agir comme les maîtres et les dispensateurs des bénéfices confiés à leur protection ; ils s’arrogèrent le droit d’approuver et même de faire les nominations à l’église ou à l’abbaye. La plus ancienne des chartes citées par Du Cange, comme mentionnant la nomination d’un abbé, assensu et concilio advocati, est de 1147 ; mais longtemps avant le x» e siècle, l’officier laïque qui, en Ecosse et dans le pays de Galles, correspondait à Vadvocatus, avait usurpé le titre et même la fonction de l’abbé. En Angleterre, la significtion qu’a prise le mot udvowson, lequel aujourd’hui exprime précisément le droit de nomination à un bénéfice ecclésiastique, est un témoignage de l’usurpation qui aboutit à intervertir les rôles dans les rapports des avoués avec les églises. — Aux mots Abbaye, Avouerie des églises, Bénéfice ecclésiastique, on trouvera des notions complémentaires sur plusieurs points indiqués dans cet article. E.-H. VOLLET.

2° Avocat du diable. (V. Canonisation).

liiuL. : 1" Historique. — I. Pastorei, Histoire de la lèijislalion ; 1817-37, 11 vol. in-8. — V. Egoer, les Allié-