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AVOCAT

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méfiance et de sévérité vis-à-vis des avocats ; elles ont été bien certainement insérées dans le décret par la volonté de l’empereur. L’ordre des avocats est placé sous l’autorité du procureur général ; c’est ce magistrat qui nomme le bâtonnier et les membres du conseil de discipline. Ce conseil ne peut être convoqué et réuni en assemblée qu’avec le consentement du procureur général. Nul ne peut plaider hors du ressort de la cour où il est inscrit sans l’autorisation du grand juge ; les articles 36, 37 et 38 supposent les avocats capables des écarts les plus étranges à la barre même du tribunal et répriment les moindres fautes avec une extrême sévérité. L’Empire tombé, l’ordre des avocats réclama ses anciennes franchises ; mais sous la Restauration l’ordonnance du 20 nov. 1822 ne donna satisfaction qu’à une partie de leurs réclamations. C’est seulement sous la monarchie de Juillet qu’une ordonnance du 27 août 1830 rendit aux avocats une complète indépendance. Un décret du 22 mars 1852 introduisit plus tard quelques dispositions nouvelles et décida notamment que le bâtonnier serait élu à l’avenir par le conseil de discipline ; mais dans les derniers temps du second Empire, un décret du 10 mars 1870 a rendu cette élection du bâtonnier à l’assemblée générale des avocats inscrits au tableau. Tels sont les diflérents textes législatifs qui régissent encore aujourd’hui l’ordre des avocats.

On est généralement d’accord pour admettre que la protession d’avocat ne peut pas être exercée en France par les étrangers, bien qu’ils aient le droit d’acquérir des grades universaires. Mais les raisons qu’on donne à l’appui de cette solution ne sont pas toujours très solides. Ainsi on exclut les étrangers en disant que si la profession d’avocat ne constitue pas une fonction publique, cependant elle exige l’aptitude aux fonctions de la magistrature, parce que les avocats peuvent être appelés à remplacer provisoirement les juges ou les officiers du ministère public qui sont empêchés par une circonstance quelconque d’occuper leurs sièges. Si cette raison était exacte, elle conduirait à prétendre qu’on ne peut pas être avocat avant vingt-cinq ans, car cet âge est exigé de ceux qui exercent les fonctions de juge. Ce qu’on peut dire de mieux pour exclure les étrangers du barreau, en l’absence de tout texte prononçant leur incapacité, c’est que tels étaient déjà les anciens usages et que l’ordonnance de 1822 a formellement déclaré qu’on les respecterait. — Pour pouvoir obtenir le titre d’avocat, il faut d’abord avoir été reçu licencié en droit. Si l’on veut ensuite exercer la profession d’avocat, il est nécessaire de prêter un serment professionnel et de se faire inscrire au stage ; au bout de trois ans de stage, on peut figurer sur le tableau de l’ordre des avocats de la cour ou tribunal. On a vu dans la partie historique que le serment a été imposé de bonne heure aux avocats. L’ordonnance de 1822 exigeait un serment à la fois politique et professionnel. Mais aujourd’hui le serment a perdu le premier de ces caractères et n’a conservé que le second. Le licencié est admis à prêter ce serment à l’audience publique de la cour, sur la présentation d’un ancien avocat et surles conclusions du ministère public. On a soutenu pendant quelque temps que la cour avait le droit, pour des causes graves, de refuser l’admission au serment, mais cette doctrine est aujourd’hui généralement repoussée ; la cour ne remplit qu’une juridiction gracieuse ; elle doit se borner à recevoir le serment ; c’est ensuite au conseil de l’ordre à examiner si, pour des raisons d’honorabilité ou autres, il y a lieu de refuser l’inscription au licencié qui a prêté serment, qui a même le droit de porter le titre d’avocat mais n’a pas encore celui d’en exercer la profession. Si le conseil de l’ordre refuse d’admettre ce licencié au slage, telui-ci a le droit d’appel à la cour, comme nous le verrons, «t alors cette cour est saisie de la question par voie d’appel, mais elle n’a pas le droit de la trancher directement au moment où le licencié se présente devant elle pour prêter serment. D’après un règlement du parlement de Paris du 8 mai 1751 et encore exécuté à Paris, tout postulant au stage doit prouver qu’il est logé convenablement et que les meubles de son appartement lui appartiennent. Le stage dure trois ans au moins ; mais d’ailleurs pendant ce temps le stagiaire peut exercer la profession d’avocat, plaider et donner des consultations ; il a même l’avantage d’échapper à la patente à laquelle il sera soumis lorsqu’il montera au tableau. Toutefois l’avocat stagiaire ne peut pas remplir provisoirement et par intérim les fonctions de juge ou celles d’officier du ministère public, car la loi veut que les avocats soient appelés à suppléer les magistrats suivant l’ordre du tableau et les stagiaires ne sont pas inscrits sur ce tableau, mais à sa suite. Pendant la durée de leur stage, les jeunes avocats sont assujettis à certaines obligations, notamment suivre les audiences, prendre part aux conférences organisées par le conseil de l’ordre ; quelques-unes de ces obligations varient suivant les cours et les tribunaux. L’interruption du stage pendant plus de trois mois donne lieu à une prolongation. D’après le décret de 1810, le stage fait auprès d’un tribunal de première instance ne comptait pas pour l’inscription au tableau d’une cour ; il devait être recommencé devant cette cour et le conseil de l’ordre des avocats de Paris prétend que cette disposition doit encore être observée. Cependant la cour de cassation, par arrêt du 29 août 1877, a condamné cette doctrine avec raison ; elle a décidé que le stage fait devant un tribunal vaut le stage fait devant une cour ; qu’en conséquence au bout de trois ans on peut demander à être inscrit auprès d’une cour aussi bien qu’auprès d’un tribunal. C’est qu’en effet, depuis l’ordonnance du 27 août 1830, les différences établies précédemment entre les avocats des cours et ceux des tribunaux, ont complètement disparu et notamment, d’après l’art. 4 de cette ordonnance, tout avocat, même d’un tribunal, peut plaider devant toutes les juridictions (sauf la cour de cassation et le conseil d’Etat), même devant les cours d’appel. Si les avocats des tribunaux sont égaux aux avocats des cours, il est tout naturel d’en conclure que le stage fait devant un tribunal vaut aussi le stage fait devant une cour. D’après l’ordonnance de 1822, encore aujourd’hui en vigueur sur ce point, les avoués licenciés en droit qui, après avoir donné leur démission d’officiers ministériels, veulent exercer la profession d’avocat, sont soumis à un stage de trois ans comme les autres candidats. Il en était autrement sous l’empire du décret de 1810 et dans l’ancien droit, où l’on considérait l’exercice de la profession d’avoué ou de procureur comme équivalant à un stage, pourvu qu’il eût duré trois ans, et on peut sous ce rapport critiquer l’ordonnance de 1822 qui a le tort de confondre le praticien habitué aux affaires du palais avec le stagiaire à peine sorti des bancs de l’école. Mais la jurisprudence admet que l’exercice de fonctions dans la magistrature équivaut au stage ; il résulte delà qu’un magistrat démissionnaire peut demander à êlre immédiatement inscrit au tableau, bien qu’il ait l’ait autrefois un stage inférieur à trois ans.

Ce tableau existe depuis des siècles. En 1790, il est vrai, il avait disparu et, lorsque les avocats furent reconnus de nouveau parla loi du 22 ventôse an XII, le tableau ne fut cependant pas rétabli. Ce fut seulement le décret du 1 i déc. 1810 qui l’admit de nouveau. Les avocats ont toujours soutenu qu’ils étaient maîtres de leur tableau ; en d’autres termes, que leurs décisions sur l’admission des licenciés au stage et sur celle des stagiaires au tableau étaient souveraines, qu’elles ne pouvaient pas être attaquées, notamment en cas de rejet, devant la cour d’appel. Cette prétention des avocats a été autrefois consacrée par de nombreux arrêts, surtout sous l’influence du procureur général Dupin. « Le droit d’appel, disait, en 1850, cet éminent magistrat, s’il était autorisé contre les refus d’admission, dénaturerait la juridiction des conseils de discipline. Pourquoi, en effet, les avocats sont-ils et doivent-ils rester maîtres de leur tableau ? C’est que le conseil de discipline de l’ordre des avocats constitue un