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AVOCAT

et du xvi» siècle, ils furent généralement attachés à la cause du roi et de l’unité française contre les révoltes de la féodalité et les prétentions de l’étranger ; que dans les querelles politiques et religieuses du xvn e et du xvin 9 siècle ils furent presque toujours les défenseurs des privilèges du parlement et des libertés de l’Eglise gallicane. Si la tribune politique resta interdite aux avocats dans l’ancienne France , le barreau offrait un vaste champ à leur éloquence. Sans doute l’accès des tribunaux criminels leur était fermé, mais dans les juridictions civiles et surtout] devant le parlement de Paris, dont la compétence multiple s’étendait aux questions féodales, administratives et religieuses aussi bien qu’aux affaires privées, les grandes causes ne leur manquèrent pas (par exemple au xvi 9 siècle le procès du connétable de Dourbon, celui de l’Université contre les jésuites, etc.). Beaucoup d’entre eux ont laissé dans l’histoire de l’éloquence judiciaire, depuis le xm e jusqu’au xviii 9 siècle, le souvenir d’un talent honorable et d’un caractère intègre ; quelques-uns ont mérité la réputation d’orateurs éloquents, et contribué, surtout depuis le xvi e siècle, à donner au langage français des formes plus pures et plus sévères. Sans parler des avocats du xm e , du xiv e et du xv e siècle, dont les plaidoiries ne nous sont guère connues que par les sèches analyses des registres d’audience ou par les appréciations vagues et incomplètes de leurs contemporains, il suffira de citer pour le xvi e siècle : G. Poyet, Fr. de Montholon, Pierre Lizet, J. Aubery, G. de Marillac, P. Séguicr, Chr. de Thou ; puis au milieu du grand mouvement de la Renaissance, J. Canaye, Cl. et J. Mangot, E. Pasquier, A. Arnaud, P. de Versoris, S. Marion et A. Loisel, qui a tracé là vivante image de ses confrères dans son célèbre Dialogue des avocats ; pour le xvn e siècle, Anne Robert, Cl. Gauthier, A. Lemaitre, 0. Talon, Patru, Fourcroy, Erard, à Paris ; Dupérier àAix ; pour le xvn e siècle, Normand, Cochin, Gerbier, Linguet, auxquels il faut joindre le chancelier d’Aguesseau, qui fut longtemps avocat et procureur général au parlement, et qui donna dans ses discours le dernier degré de politesse à l’éloquence judiciaire. — D’autre part, le corps des avocats fournit à la magistrature des parlements et des juridictions inférieures une partie de ses membres les plus estimés ; jusqu’au xvi e siècle surtout, la plupart des avocats célèbres du barreau de Paris devinrent conseillers ou présidents au parlement, avocats ou procureurs du roi ; mais à partir du xvn 6 siècle, le principe de la vénalité des offices, qui prévalut définitivement, rendit moins accessible aux avocats l’entrée de la magistrature, dont les charges devinrent le privilège de la richesse plutôt que du talent. — Au xv e et au xvi e siècle on fit souvent appel au savoir et à l’expérience des avocats pour la rédaction des coutumes ; au xvn e plusieurs prirent, sous la direction de Colbert, de Lamoignon et de Pussort, une part importante à la rédaction des grandes ordonnances de 16(37, 1669, 1673, 1681. — Enfin la liste serait longue des avocats qui, mieux doués pour les travaux de cabinet ou pour renseignement que pour la plaidoirie, méritèrent par leurs consultations, leurs leçons ou leurs ouvrages le renom de jurisconsultes ; on peut se borner à citer au xvi e siècle : Dumoulin, d’Argentré, Loyseau, Bacquet, F. etA. Hotman, Chopin, G. Coquille ; au xvn e siècle, Auzanet, Ricard, Duplcssis, Brodeau, Laurière, Lebrun, Renusson, à Paris ; Domat, à Clermont ; Basnage, à Rouen ; Despeisses, à Montpellier ; Henrys, à Montbrizon ; au xvi[i e siècle, Bretonnier, Bourjon, Argou, Guyot, Froland, Boullenois, Boucher d’Argis, Bourdot de Richebourg, Rousseau de la Combe, Henrion de Pansey, à Paris ; Pothier et Jousse, à Orléans ; Furgolc, à Toulouse ; Roussilhe, à Avignon.

III. Période révolutionnaire. — En détruisant les institutions de l’ancien régime, la Révolution n’épargna pas l’organisation à laquelle était soumis le barreau depuis cinq siècles. L’Assemblée constituante vit dans ordre des avocats une corporation privilégiée, et l’abolit par décret du 2-11 sept. 1790 ; mais elle conserva la profession, en reconnaissant aux parties le droit de faire présenter en justice par une autre personne leur défense écrite ou verbale. Depuis le décret du 29 janv. 1791 jusqu’en 1804 « la plaidoirie et la consultation appartinrent à des défenseurs officieux, étrangers les uns aux autres, exempts de toute discipline, munis d’un simple certificat de civisme (décret du 26-29 janv. 1793) et trop souvent dépourvus de talent et de moralité ». On sait que leur ministère ne fut pas admis devant le tribunal révolutionnaire (décret du 22 prairial an II). — Le Consulat rétablit le titre d’avocat (loi du 22 ventôse an XII = 13 mars 1804), prescrivit la formation d’un tableau, exigea la licence en droit pour l’exercice de la profession, et annonça qu’un règlement d’administration publique pourvoirait à la formation du tableau et à la discipline des avocats. Ce règlement se fit longtemps attendre, mais « dès ce moment, il se forma, dans un quartier de Paris, une association volontaire d’avocats, dépositaire des traditions de l’ordre, qu’on appela les avocats du Marais ; ils n’admettaient parmi eux que des confrères d’un mérite éprouvé et d’une honorabilité incontestée » ; et leur réputation grandit rapidement ; les plus célèbres étaient Delamalle, Bonnet, Chauveau-Lagarde, de Sèze, Berryer père, Bellart, Billecoq, Lesparat ; à leur école se formèrent les principaux avocats de la Restauration, notamment Dupin aine et Paillet. Enfin parut le décret du 14 déc. 1810, qui rétablit X ordre et une partie des anciens règlements professionnels.

L’abolition de l’ordre des avocats en 1790 entraîna la suppression des avocats aux Conseils (14 avr. 1791). La loi du 27 ventôse an VIII (18 mars 1800) établit auprès du tribunal de cassation, des avoués, chargés de soutenir les pourvois des parties en matière civile et criminelle, et qui reçurent en 1806 le titre d’avocats à la Cour de cassation. Le soin de défendre les requêtes portées devant la juridiction suprême, en matière administrative, fut confié par un décret de la même année à des avocats au Conseil d’Etat. L’ordonnance de 1817 les réunit en un même corps sous le nom d’avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, fixa leur nombre à 60 et détermina les règlements qui régissent encore aujourd’hui cet ordre. Ch. Mortet.

II. Droit actuel. — Le décret du 14 déc. 1810 est le premier texte législatif qui concerne l’organisation actuelle des avocats. Déjà la loi du 22 ventôse an XII avait rétabli l’enseignement du droit et reconnu les avocats qui devaient être licenciés en droit. Mais ils n’avaient pourtant pas reçu une organisation complète et ce ne fut pas sans peine que Cambacérès obtint de l’empereur un décret rétablissant l’ordre des avocats. Napoléon n’aimait pas ces hommes de loi ; il leur reprochait un esprit d’opposition systématique. Aussi refusa-t-il pendant quelque temps de signer le décret qui devait leur donner quelque indépendance. Cambacérès ayant insisté, il lui écrivit : «Tant que j’aurai l’épée au côté, jamais je ne signerai un pareil décret ; je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en sert contre le gouvernement. » Le décret fut cependant signé, mais il est facile d’y reconnaître l’œuvre de Cambacérès et celle de l’empereur. Le préambule appartient à Cambacérès ; dans le style pompeux et byzantin de l’époque, il décerne des éloges exagérés aux avocats. « Lorsque nous nous occupons de l’ordre judiciaire et des moyens d’assurer à nos cours la haute considération qui leur est due, une profession dont l’exercice influe puissamment sur la distribution de la justice, a fixé nos regards ; nous avons en conséquence ordonne le rétablissement du tableau des avocats, comme un des moyens les plus propres à maintenir la probité, la délicatesse, le désintéressement, le désir de la conciliation, l’amour de la vérité et de la justice, un zèle éclairé pour les faibles et les opprimés, bases essentielles de leur état. » Mais à la suite de ces éloges se trouvent des dispositions pleines de