4. « Pour ce qui est de respecter la Loi, écoute : — « Respecte-toi, cela suffit, maintenant comme toujours. »
5. Or il passait une troupe de recrues — et un homme lui demanda, pour le tenter :
6. « Faut-il que les jeunes gens acceptent d’être soldats — ou doivent-ils refuser le service et s’enfuir ? »
7. Il répondit : — Planche pourrie ! On te prendrait pour un homme, et tu es un piège !
8. « Je ne viens pas dire ce qu’il faut faire aujourd’hui — J’annonce l’Heure qui vient, afin que chacun se prépare ; »
9. « Alors ceux qui seront prêts sauront ce qu’ils ont à faire — en quelque lieu qu’ils se trouvent. »
10. Mais l’un d’eux qui se vêtent comme tout le monde — pour ne pas éveiller la défiance, lui demanda :
11. « Toi qui parles si sagement, que nous conseilles-tu de faire — si la guerre éclatait entre ce pays et un autre ? »
12. Il lui dit ; « Masque sinistre, qui suis-je pour donner des conseils ? Je n’ai pas de patrie à défendre : ma patrie n’est pas encore de ce monde. »
13. « Mais sache que si la guerre fait une menace seulement — il est à croire qu’au bruit s’éveillera celui qui doit marquer l’Heure. »
14. « Et qui peut dire ce qui arrivera de ce pays et des autres — quand les hommes entendront l’Heure sonner ? »
15. Un autre lui demanda : — « Faut-il payer l’impôt à l’État ? » — Il répondit : — « Race aux oreilles bouchées ! »
16. « Voici deux mille ans qu’on t’a dit : — « Rends à César ce qui est à César. »
17. « Rends-lui les monnaies frappées à son effigie — et les billets gravés à son nom, tu n’y perdras guère. »
18. « Car tout cela ne vaudra pas grand’chose — quand l’Heure des comptes aura sonné ! »
19. « D’ailleurs aujourd’hui le pauvre paie l’impôt sans le vouloir ni le savoir — et quant aux riches : que les larrons s’arrangent entre eux ! »
20. Mais un autre homme lui demanda : — « Tu dis que les riches sont des larrons — mais ce manteau que j’ai acheté n’est-il pas à moi ? »
21. Mais il lui répondit : — « Qu’en sais-je, moi ? — C’est toi seul qui le sais dans le secret de ta conscience.
22. « Ce dont tu as besoin pour vivre et pour travailler, cela est à toi légitimement — car le besoin seul justifie la possession. »
23. « Mais combien de fois ne vous a-t-on pas répété — que celui qui conserve ce dont il n’a pas besoin vole celui qui en a besoin ? »
24. « Va ! Quand l’Heure que j’annonce aura sonné — tu ne demanderas à personne si ce manteau est à toi. »
25. Et une femme s’approcha et lui demanda : — « Les enfants ne doivent-ils pas payer d’amour la vie qu’on leur a donnée ? »
26. Mais il répondit : — « La vie que vous leur donnez — vaut-elle vraiment qu’ils vous en remercient ? »
27. Et il ajouta : — « Tu vois cette fille criblée de plaies — dont la vie n’est qu’un supplice affreux et un incessant martyr ;
28. « Elle doit cette heureuse vie à sa mère, qui dès qu’elle l’eut conçue — essaya de s’en délivrer par des remèdes clandestins. »
29. « Or, aujourd’hui cette fille sait cela. — Peut-elle payer d’amour la vie qu’on lui a donnée de cette façon ? »
30. « Quand l’Heure aura sonnée il n’y aura plus ni père ni fils suivant la chair — mais celui-là sera père ou fils qui méritera le nom par ses œuvres. »
31. « Et tous étaient confus et furieux à cause de ce qu’il disait — mais ils ne savaient que lui répondre.