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20. « Mais malheur à lui s’il est gonflé d’orgueil — car le dernier de ses laquais sera son égal ».

21. Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme pauvre qui travaillait — dans la vigne d’un homme riche, dur de cœur ».

22. « Et cet homme riche maltraitait l’homme pauvre — l’appelant paresseux et le faisant battre par ses esclaves ».

23. « Mais l’homme pauvre acceptait tout avec résignation, pensant dans son cœur : « De quoi vivrais-je si mon maître ne me laissait pas travailler dans sa vigne ? »

24. « Or il vint un homme instruit qui lui dit et lui démontra — que la vigne n’appartenait pas seulement à l’homme riche ».

25. « Mais que lui vigneron avait sur elle le même droit que l’homme riche — et ce droit était : la travailler et jouir de ses fruits ».

26. « Alors l’homme pauvre se réjouit et se mit à manger les fruits de la vigne — ce qu’il n’osait faire jusque là ».

27. « Mais l’homme riche survint et, courroucé, cria : « Fainéant ! qui t’a permis de cesser de travailler — et de manger des fruits de ma vigne ? »

28. « L’homme pauvre lui répondit : « La vigne n’est pas à toi seul — mais nous avons tous deux le même droit sur elle ».

29. « Si tu veux en manger les fruits, travaille-la comme moi — car tu n’as pas d’autre droit que celui-là, qui est aussi mien ».

30. « Alors l’homme riche se mit en colère et dit à ses esclaves : « Fouettez cet insolent jusqu’à ce qu’il perde connaissance ! »

31. « Mais cependant ne le tuez pas — car j’ai besoin de quelqu’un qui travaille ma vigne à ma place ».

32. « Mais l’homme pauvre saisit sa houe et frappa l’homme riche à la tête — et celui qui s’appelait le maître tomba mort, et ses esclaves s’enfuirent effrayés.

33. « Or, cela fut bien ainsi, car, pour celui qui commande — il est moins amer de mourir que de devenir l’égal de son serf ».


Ch. IV


1. Vers le soir il entra dans la ville — et les artisans se groupèrent autour de lui.

2. Or, il en vint un qui paraissait très las — et qui marchait nu-pieds dans la boue.

3. Il lui demanda : « Quel est ton métier ? » — et l’artisan répondit : « Dix heures par jour je travaille à la fabrique de souliers ».

4. Et il vit une femme aux yeux rougis — qui était vêtue de haillons reprisés.

5. Il lui demanda : « Et toi, que fais-tu ? » — Elle répondit : « Nuit et jour, je couds pour un grand magasin de confections ».

6. Alors il leur dit : « Quand sonnera l’Heure — descendez des faubourgs au cœur de la cité :

7. « Ouvrez ces magasins, et vêtez-vous sans crainte — ainsi qu’il vous plaira, car vos mains l’ont créé.

8. « Non pas cependant comme les singes qu’on montre au cirque — ainsi qu’il convient à des hommes doués de raison ».

9. Or, la nuit s’approchant, le peuple se dispersa — mais Ceux-qui-sont-sans-domicile l’accompagnèrent à travers les rues.

10. Et ils passaient par les grandes places et les larges avenues — pleines de monuments et de palais superbes.

11. Il demanda : « Qui dort dans ces vastes demeures ? » — et ils répondirent : « Personne,

12. « Car ceci est une église, ceci un tribunal — ceci est un ministère et ceci une banque ».

13. Alors il s’assit sur un banc près du parc et dit : « Dormons ici » — mais ils l’avertirent, disant : « Camarade, c’est défendu ».

14. Il répéta : « Les renards ont leur terriers et les corbeaux leurs nids — mais l’homme ne sait pas où reposer sa tête…