Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentimental, un marchand de lune, je suis l’ennemi de ton bonheur !…

— Pourquoi être si défiant de Lucien ? fait Yvonne, en proie à une sourde inquiétude. Il y avait, dans le langage de son frère, tant de conviction passionnée, de logique irrésistible qu’un doute poignant la bouleverse, mais le courage de son amour ne la déserte pas.

— Oui, pourquoi l’accuser ? Tu ne le connais guère ! Tant de calomnies mijotent dans la rue, il y a des cancans si impitoyables, si lâches ! Je t’assure qu’on se trompe, qu’on ignore ses qualités dont je suis certaine, qu’il me rendra heureuse !…

— Les vraies qualités, celles qui prolongent le bonheur ?…

— Oui, répond-t-elle faiblement, après un bref silence, les yeux baissés.

— C’est fort bien, Yvonne, je n’insiste pas, tu es libre…

Jean se cramponne à l’espoir que ce doute, empreint sur le visage d’Yvonne et balbutié par ses lèvres indécises, agira sur la pensée où il s’est implanté comme un germe de fructueux retours sur elle-même.

Elle interroge son frère, humblement.

— Pourquoi lui être hostile ? Accuse-le, je le veux, pour le défendre !…