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t-elle pas comme une ennemie ? Il sait qu’elle va repousser l’antagonisme qu’elle devine, et cependant, il faut que, malgré elle, il tente de l’arracher au mensonge, à la désillusion fatale. Il cherche des paroles souples, celles qui ne froisseront pas trop une sensibilité irascible. Peut-être la victoire de Lucien n’est-elle pas aussi décisive… peut-être Jean n’aura-t-il qu’une exaltation passagère à combattre… Oh ! qu’il serait heureux d’en libérer Yvonne !…

— Tu en es bien sûr, tu l’aimes ? dit-il, avec beaucoup de tristesse,

— Oui, je l’aime ! affirme-t-elle, arrogante.

— Beaucoup ?

— Que veux-tu dire par beaucoup ?

— Comme tu voulais aimer ?…

Interdite, elle n’ose répondre sur-le-champ. Si elle disait oui, elle a conscience qu’elle mentirait au plus intime d’elle-même. Cet amour n’est pas celui vers lequel montaient les plus purs élans de son âme. Il a quelque chose de plus âpre, de plus énervant, de moins suave, de moins ailé. C’est l’amour, tout de même, la joie d’avoir dompté un cœur d’homme jusque-là rebelle, l’orgueil de le garder, une griserie spéciale et capiteuse de vivre.

— Je l’aime ! redit-elle, enfin.

— Tu ne veux pas répondre, Yvonne. C’est lui