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ne. Selon l’expression d’Yvonne, il n’a pu se faire aimer d’elle qu’après l’avoir fait descendre des nuages, jusqu’à son niveau terrestre d’idéal. Yvonne, l’esclave d’un farceur d’amour ! Il pressent que celui-là est plus fort en elle que lui, son frère, le Jean trop guindé, trop solennel, à la physionomie rébarbative de savant. Quelle excuse pitoyable d’avoir, en masquant l’intrigue d’amour, trahi les doux souvenirs d’union fraternelle ! Ce redoutable acte de la vie d’une jeune fille, le don d’elle-même à un homme pour toujours, elle a pu l’accomplir sans en faire part au Jean de son enfance, au témoin de ses rêveries de jeune fille ! Une déchirure intime lui fait mal, il éprouve l’angoisse d’une tendresse meilleure qui agonise entre elle et lui. Il écrase, un moment, sous la pensée d’avoir perdu l’amie supérieure, extrêmement bonne et franche, qu’il croyait inséparable de son avenir. L’amour, comme elle en concevait la sublime ivresse, n’aurait pas amoindri leur vieille intimité de jeunesse ; l’amour, tel que le lui ont nécessairement distillé les sourires languides et les roucoulements doucereux de Lucien Desloges, ne peut exister, sans avoir détruit les plus délicates, les plus fortes attaches fraternelles. Ce lourd silence n’en est-il pas la preuve ? Du regard soupçonneux, des traits vibrants, des lèvres contractées pour l’attaque, ne le défie-t--