Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/454

Cette page a été validée par deux contributeurs.

enthousiasme plus beau le transfigure. Les yeux de l’époux s’égarent en une vision de douceur : elle n’ose la détruire et garde un silence d’amoureuse…

La pièce où leurs rêves vivent d’amour n’est pas vaste. Il est modeste en sa parure de meubles, de cadres et de bibelots, mais il émane d’eux comme un parfum d’extase. Lucile a transfusé, pour ainsi dire, son âme de femme qui aime en chacune des humbles choses, et toutes elles tressaillent d’une joie subtile et profonde. Jean qui souffre d’avoir tourmenté son père et d’en attendre encore le pardon, a fait ouvrir à l’un des murs une cheminée comme il y en avait une au foyer paternel, une cheminée à la façon de jadis. Elle n’est pas élevée, elle n’est pas large, elle est modique, mais elle ressemble par la forme et l’âme à celle qu’il n’oublie pas…

Tandis que l’ouragan se lamente au dehors et que les tourbillons en vagues sifflantes déferlent, qu’un froid tranchant pénètre jusqu’à la moëlle des passants, des bûches rougeoient au fond de la cheminée. La flamme lance, déroule ses plis riches de pourpre et d’or. Comme une draperie mouvante, une clarté rose ondule, colore mollement l’espace et les traits des époux… Jean la regarde se déployer et frémir, se souvient d’une autre flamme, de celle qui chante au poêle des