Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/436

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas d’y songer ? Les œuvres nationales ne te séduisent pas ? Le moins que tu puisses faire, n’est-ce pas d’aimer ta race en l’ouvrier ? Rappelle-toi combien la fraternité est nécessaire : le peuple a la haine de ceux qui montent et ceux qui montent renient le peuple d’où ils s’élèvent ! Arrogance, envie, indifférence, tout cela nous affaiblit, nous perd, et tout cela existe parce qu’il manque de la bonté, de l’amour… Allons, mon père, sois généreux, sois patriote, ne renie pas la noblesse du travail, permets-moi d’aimer une jeune fille admirable de notre race ! Enfin, tu l’accordes, n’est-ce pas ?

Gaspard a tressailli : la vigueur, l’autorité, la passion du fils émeuvent beaucoup le père, son visage est tendu par une hésitation poignante… L’opposition tenace amollit…

Un spasme d’émotion violente saisit le jeune homme, un souvenir lui a sillonné la mémoire d’un éclair, le cerveau d’un argument, terrible :

— Oui, rappelle-toi l’ouvrière qui fut ma mère ! s’écrie-t-il, avec tendresse, un sanglot lui rompant la voix.

Puis, silencieux, frémissant, il espère la magnanimité de Gaspard… Celui-ci, livide soudain, vacillant, s’attarde à une vision qui le possède et le tourmente. Il avait aimé vraiment la compagne morte à l’aube de leur prospérité. Pendant