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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

cate fleur de ton âme, imperceptiblement, d’émotion frivole en émotion frivole, s’est effeuillée… Tu veux que je définisse ? Comment préciser les nuances ? Tu viens de sourire : ton sourire est plus charmeur, plus savant, mais il a perdu sa plus douce lumière, ce rayon qu’il m’apportait de l’au-delà de ton être. Tes yeux sont plus malicieux, plus caressants, mais il n’y monte plus ces tendresses profondes, ces reflets de l’idéal inondant l’âme. Ta voix est plus chaude et plus enjôleuse, mais je n’y entends plus filtrer la source mystérieuse et pure…

— En somme, me voici devenue un monstre de perversion raffinée, je ne sais plus quelle odieuse coquette ! essaye-t-elle de badiner.

— Je ne dis pas cela, Yvonne, je dis que tu es à la veille de te ressaisir… La frivolité n’aura servi qu’à te faire mieux savourer les émotions supérieures de la vie. Tu n’es pas celle qu’assouviraient les joies futiles, impuissantes. Ton cœur impulsif réagira, s’attendrira des espérances d’autrefois… N’est-il pas vrai que tu n’es plus la même qu’à la surface et que la sœur d’il y a deux ans vit encore ? Allons, regarde-moi avec tes yeux naturels, pas ceux du bal ou de la promenade, mais ceux que tu ouvres sur ton âme vraie de jeune fille…

— Je suis la même, te dis-je, murmure-t-elle,