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sûr de lui-même, à flots abondants, le remplissait de nouveau tout entier. Il redevenait, en quelques secondes, le dompteur habile du succès : voilà qu’il émane du crâne dressé avec arrogance, du regard fixe et contemplatif de soi, d’un coloris chaleureux et spécial dont les traits semblent vivre, d’une façon qu’ont les lèvres d’onduler l’une sur l’autre et qui leur donne une moue de bouche féminine.

Jean ne pense ni grotesque ni énorme cette fatuité, parce qu’elle va lui servir. Ne la regarde t-il pas s’élever comme un bon augure ? C’est elle qu’il faut assaillir, mais rassasiée, amollie de la sorte, elle sera moins sur la défensive, plus irrésistiblement prise de biais et captivée. Le peu d’hésitation qui voltigeait encore en l’esprit du jeune homme s’évanouit. Un peu d’émoi qui demeurait au cœur s’en éloigne. Quoiqu’il n’exploite pas cet orgueil du père sans un tressaillement de remords, Jean le caresse davantage :

— Il est impossible d’ébranler une réputation d’homme d’affaires enracinée comme la tienne ! dit-il.

— On ne sait jamais, nia l’autre d’une voix qui langoureuse acquiesçait.

— Si tu perdais la fortune, très bien ! Est-il dangereux que tu fasses banqueroute ?

— Elle est incomparable, celle-là !