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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

de moi. Que j’en ai été malheureux ! C’était de l’égoïsme, à coup sûr, mais j’avais peur qu’on te changeât, que même ou t’enlevât, si peu que ce fût, du charme naturel et spontané que j’aimais en toi. Je savais que ta personnalité originale, indépendante et fière, ne serait pas détruite par le grand vent de joie superficielle qui allait passer, j’espérai qu’elle n’en serait pas même ébranlée ! Yvonne, ma petite Yvonne, tu m’as déçu… Tu n’es plus la même !…

— Plus la même ? Tu serais joliment embarrassé de le prouver ! interrompt-elle, avec moins d’assurance que n’en laisse paraître le défi de son accent gouailleur.

— Oui, tu n’es plus la même, Yvonne… Tu veux que je précise ? que j’accuse ?…

— N’est-ce pas que ce n’est pas facile et que les mots n’accourent pas à ton esprit ?…

— Ce n’est pas le motif de mon hésitation. C’est que je n’ai peut-être pas le droit de me plaindre. Souvent, on exige trop des êtres qu’on chérit, on les accuse d’amertumes dont on devrait inculper l’égoïsme seul. Eh ! bien, je le devine, je le sens, je l’affirme, tu n’es plus la même, et précisément parce que tu ne t’en es pas même aperçue. Ton sourire triomphe : tout est là, pourtant, dans ce fait pénible que tu ignores ce que tu es devenue après avoir oublié ce que tu étais. La plus déli-