Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/417

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il vénérait si fort ou se libérer d’un amour que tout lui-même voulait garder ? D’ailleurs, il ne se sentait plus le droit ni l’ignomineux courage de renoncer à Lucile. Il avait perçu, admis les responsabilités d’une courtoisie assidue auprès d’elle, s’en était de lui-même porté garant. Si maintenant la jeune fille l’aimait à ce degré d’admiration et de profondeur, lui-même l’y avait conduite et stimulée. La perspective de violer l’espérance qu’elle ne s’avouait pas à cause d’une humilité admirable, mais qui sourdement lui filtrait au cœur, révoltait Jean : comme il serait félon et dur !…

Ce n’était qu’une obsession éphémère dont il n’accueillait pas l’objet comme probable, qui servait du moins à décupler sa force de vouloir. Il ne se donnait un pareil effroi que pour en accroître son amour, pour s’enflammer à ne pas le trahir. Celui-ci devint extrême, invincible : il semblait à Jean que rien n’en pourrait comprimer la vie profonde, l’élan pour briser les obstacles. Le jeune homme en devait subir les entraînements et les ordres, parce que le meilleur de lui-même y adhérait, les croyait inséparables du bonheur et de la justice…

La prévision seule d’attrister son père, d’enfreindre son orgueil, de s’ériger en adversaire devant lui, tempérait cette ardeur. Et pourtant,