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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

rire énigmatique, il en admirait la rêverie inconsciente et vague. Il n’est pas indispensable d’avoir une initiation artistique excessive, pour ne pas s’en tenir à une impression terne devant le beau : Jean avait le goût assez mûri pour que tout l’épanouissement des traits de Lucile en un rire méditatif l’émerveillât.

Lorsqu’elle sourit ainsi, de son âme ardente visible, elle captive, elle impose comme de la vénération émue. Un reflet vermeil s’épand sur le visage qu’il échauffe. Les lèvres se prolongent en courbes plus molles et vibrantes. Les joues dilatées grouillent de tressaillements. Les yeux, surtout, creusés, insondables, irradiés, se remplissent d’âme douce jusqu’à leurs profondeurs, il semble…

Longtemps donc, le jeune homme ne perçut d’un tel sourire que l’étincelle et la beauté physique, ne songeant guère à en pénétrer la cause, les sources génératrices : il se complaisait si volontiers à ce culte du charme visible qu’il négligeait de réfléchir, même un peu, sur les qualités morales et la noblesse d’une vie si modeste. Tout l’être intime, dérobé, supérieur, de la jeune fille ne l’intéressait que médiocrement, échappait en définitive à la vision de son intelligence, à l’éloge de son admiration.

Pourvu qu’il oubliât les parents, le milieu so-