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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

chire, elle se torture encore de vaines inquiétudes ; et c’est tout. Elle est certaine qu’il viendra, qu’il ne dédaigne pas l’ouvrier, puisqu’il est compatissant au malheur de celui qui est son père. Elle laisse gonfler au cœur la source d’espérance ! La brise imprègne son front de tendres fraîcheurs, la marche lui devient légère et grisante, les arbres de la Grande Allée, où elle s’engage, lui murmurent des refrains moins tristes…

Une minute plus tôt, un écran de feuillage et de branches avait séparé les yeux de Jean de la jeune fille qu’ils n’avaient cessé d’accompagner. Il a admiré la grâce des mouvements, d’une souplesse inconsciente, d’un charme inné. Elle était harmonieuse sans effort et sans inégalités. Depuis qu’elle a disparu, il reste quelque chose d’elle, un parfum de beauté que Jean respire, un rayonnement d’âme qui l’enveloppe. Il s’attarde à glaner de menus souvenirs. Mais bientôt, en son imagination infidèle, les traits de l’ouvrière s’atténuent, s’estompent de rêve. Ils pâlissent et s’éloignent devant une vision déjà ancienne, celle d’une femme sculptée dans le mystère et drapée d’idéal. Cette jeune fille ne l’a pas réellement touché, il s’en rend bien compte, elle n’a que ravivé le noble désir qu’il a parfois eu d’aimer une femme. Non pas qu’il eût été la victime de songes maladifs ou de lubies romanesques, mais il espérait