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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

musclé pour de l’utile besogne, jeune homme ou jeune femme, volontaire et conscient d’un rôle, fût-il peu glorieux même, à tenir au premier rang de la race et pour elle, quels prodiges à l’avant-garde s’entasseraient ! Bien que vague toujours, elle s’accentuait, elle s’élargissait, elle s’emparait de lui, la vision d’une sympathie fondant les classes après les avoir l’une à l’autre révélées. Union merveilleuse, inspiratrice, irrésistible, d’où naîtrait l’effort conscient de tout un peuple vers la conquête de son génie et de sa beauté ! À la fièvre que suscitait en lui l’envol de son rêve, s’ajoutait la peine de le sentir confus et insaisissable. Était-ce l’atavisme de la passion d’agir venue de Gaspard, il tendait les énergies de la pensée vers un moyen d’insuffler à sa vision la puissance de créer la vie. Il se heurtait à l’ignorance de l’activité pratique, à l’isolement dans l’incompétence, à l’horreur de l’impossibilité. Il a, parfois, la sensation de ce cauchemar où l’on roule dans le vide, un serrement brutal à l’âme. De ne pouvoir matérialiser cet idéal en une formule d’action possible et vivante, il souffre une vraie torture. Comme son père, l’obstacle l’éperonne, l’échauffe : mais lorsque la lutte a lieu contre le néant, l’angoisse déprime, exténue. Quelles alternatives d’enthousiasme et de baisse morale il a parcourues depuis l’heure où les