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dans les nuages.

sembler de mon mieux mes esprits troublés par tant d’aventures diverses. Hier encore, j’étais une chaise rêvant comme impossibles un tapis, un salon, une voiture, un petit voyage ; et, depuis hier, j’ai passé ma nuit sous un hangar fantastique, j’ai traversé une foule nombreuse qui m’acclamait, je suis montée en ballon, je suis restée une heure dans un champ témoin d’un crime horrible, je suis allée en voiture, j’ai vu une folle ; enfin, je roule en chemin de fer ! ! ! Que va-t-il m’arriver ? Ô Vierge à la chaise, protégez-moi !

Je m’endormis : combien de temps dura mon sommeil ? Je ne sais. Nous voici à Paris. Les voyageurs descendent ; chacun prend un paquet ; doña Sol me garde à son bras. Mes tempes battaient à rompre mes bois : j’avais peur… très-peur ! On arrête deux voitures. La comédienne monte seule avec moi dans l’une.

— Quant à vous, dit-elle à Clairin et à Godard ; allez faire votre tournée rassurante, et bonne nuit !

En effet, MM. Giffard, Tissandier et Godard avaient fait promettre aux voyageurs de leur faire savoir le résultat de la descente le plus tôt qu’il leur serait possible. Le télégraphe ne fonctionnant plus à partir de neuf heures dans les pays sauvages qui entourent Paris, ils étaient sans nouvelles. Mais les jeunes gens remplirent leur pro-