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dans les nuages.

fallait rentrer. La femme était là près de la voiture, et, lui, jetait les bottes de là-bas. À la cinquième il lui cria : « Tiens, la mère, pare celle-là… » et il lança la fourche qui s’enfonça dans le cou de la malheureuse femme. C’est le berger, caché dans ce petit bois, qui a vu et raconté la chose.

Pendant ce triste récit, les femmes s’étaient reculées progressivement de l’endroit du crime. Les enfants consternés écoutaient la voix traînante chantant la triste odyssée. Le ballon lui-même prit un air dramatique. Pressé par des mains vigoureuses, il s’était aplati, écrasé. Il passait dans ce corps mutilé quelques derniers souffles de gaz qui soulevaient sa poitrine. Mais il finit par s’assoupir, ayant l’air d’un boa au repos. La pluie ne cessait de tomber. Doña Sol s’informa par quel train on pourrait revenir.

— Oh ! seulement par le train de dix heures, parce que la gare est à une heure d’ici en voiture. Et, comme il n’y en a pas, il faut compter deux heures à pied en marchant vite.

— Mais c’est impossible ! s’écria Clairin. Jamais Mademoiselle ne pourra marcher jusque-là.

— Il doit y avoir un autre moyen, répliqua la comédienne.

Et, cherchant du regard le jeune premier chapeau, elle sembla contrariée de ne le point voir.

— Ah ! il est allé se coucher, le jeune agriculteur, dit la voix gourmée. De mon temps on était plus galant.