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dans les nuages.

venait d’ouvrir toutes ses écluses. En un instant nous fûmes absolument inondés. J’enfonçais dans la terre. Doña Sol se leva et, s’enveloppant de fourrures, elle voulut rester debout.

— Mais vous allez être trempée, Mademoiselle, dit le jeune homme désolé.

— Oh ! n’ayez crainte, Monsieur. Je suis si mince que je passe entre les gouttes.

Les femmes, les enfants, couverts seulement de leurs camisoles, mirent leur jupon sur leur tête. Une fillette de dix à douze ans, oubliant qu’elle n’avait que ce jupon pour la couvrir, resta nue à partir de la ceinture, et, malgré l’observation qui lui fut faite, elle persista, prétendant qu’on n’y voyait pas clair.

Tous les enfants s’étaient groupés autour de la jeune femme qui en abritait trois sous son large manteau. Georges Clairin et Godard travaillaient au ballon, aidés par une vingtaine d’hommes.

Le spectacle était bizarre. Le champ dans lequel nous étions étant fort grand, l’horizon ne nous apparaissait que lointain. Le ballon, couché à terre, respirait fortement. Les hommes pressaient ses flancs et le gaz s’échappait comme un souffle puissant. On eût dit une tortue gigantesque râlant. Les mailles du filet, estompées par la nuit, complétaient l’illu-